Quand les morts facilitent les échanges entre les vivants.
La meilleure journée de mes vacances a été celle des obsèques de ma tante Suzanne. Enfin elle n’était pas exactement ma tante, car sa mère, veuve, avait épousé mon grand-père, veuf lui aussi. Mais elle était tout de même un peu ma tante, car, si son beau-père (mari de sa mère) était mon grand-père, son beau-père (père de son mari) était le cousin germain de ma grand-mère, de l’autre côté.
De plus sa mère était cousine plusieurs fois de trois de mes grands-parents, mon grand-père son mari, ma grand-mère première femme de son mari et ma grand-mère de l’autre côté. Son père était cousin de son beau-père et plusieurs fois de trois de mes grands-parents. Comme je ne désespère pas de retrouver une parenté avec mon autre grand-père, elle fait partie de mes tantes de toute façon, que j’ai toujours surnommées affectueusement "tantines". Elle avait une autre particularité, celle d’être née dans le même village le même jour, même mois, même année que le mari d’une de mes véritables tantes, ils étaient en quelque sorte jumeaux sans avoir ni le même père ni la même mère !
La mise en terre d’une tante que je n’avais pas revue depuis la mort de mon père il y a six ans n’est pas en soit un événement qui appelle à la gaîté. Mais c’est sans compter avec le destin.
J’imaginais qu’aucun de ses six enfants, d’abord trois fils, puis trois filles, dans l’ordre, ne me reconnaîtrait. Eh bien à l’église après la messe un de ses fils m’a fait signe en me disant que tous comptaient sur moi après la cérémonie au cimetière.
J’ai été touché par cette marque d’affection. J’ai pu reprendre contact avec des cousins d’un côté ou de l’autre que je n’avais pas revus depuis plus de trente ans pour certains.
J’ai retrouvé une autre tantine, véritable sœur de mon père, elle, et son mari, tous deux dépassant les quatre-vingts ans. Je ne m’attendais pas à les voir car ils n’habitent pas la région et comme je faisais remarquer à mon oncle : "Je suis surpris de voir que vous avez pu prendre la route à votre âge", il m’a répondu : "Mais qu‘est-ce que tu crois, je suis encore jeune". Il est vrai qu’il a encore une tante, âgée de plus de cent ans.
Pendant la petite collation à laquelle j’avais été convié, plusieurs cousins sont venus me demander ce qu’il y avait d’intéressant dans la généalogie de leur côté, et j’avais de quoi satisfaire la curiosité de tout le monde. Sauf des cousins du côté du père de la défunte. L’un d’entre eux avait entrepris des recherches sur sa famille, mais les registres d’état civil étant sinistrés en partie pendant le XIX° siècle, il était bloqué. J’ai pu lui apporter un espoir, il existe des copies numérisées des registres de la paroisse. Nous avons donc échangé nos adresses électroniques.
Il ne manquait qu’une autre de mes tantines qui venait de sortir de l’hôpital après une intervention assez lourde et qui se préparait à partir en maison de repos.
Marie-Odile, amie fidèle que j’ai connue par la généalogie et qui avait accepté de me conduire à la cérémonie n’a pas hésité à m’emmener chez cette tantine. Elle avait chez elle une de ses filles et une de ses petites-filles avec ses deux enfants.
J’ai profité un peu de la réunion de famille pour demander aux deux représentants de la jeune génération quelle était leur parenté avec les uns et les autres. Il s’agissait donc d’une part des petits-enfants d’une de mes cousines germaines et d’autre part des sœurs de mon père, l’une étant leur arrière-grand-mère, l’autre leur arrière-grand-tante.
Je ne pouvais pas laisser passer l’occasion de demander des informations sur la descendance d’une de mes cousines, grand-mère, et de son frère, également plusieurs fois grand-père.
Quand je suis parti, j’étais heureux et triste, car j’imaginais que je ne les reverrais peut-être plus tous ensemble.
En tout cas, je dis un grand merci à ma tantine Suzanne de nous avoir réunis pour lui dire au revoir.
Eric Marchal de Salm
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